La Tet
Le réseau hydrographique
La Tet se forme sur le versant méridional de la Pique Rouge, au lieu dit Coume de la Tet. Les eaux qui ruissellent des flancs de la montagne se rassemblent au Lac Bleu (lac blau) ; celui-ci, à l’altitude de 2455 mètres, peut être considéré comme l’origine de la rivière.
Un peu plus bas, avant d’entrer dans les Bouillouses, la Tet recueille sur sa rive gauche le ruisseau de Puig Péric et celui de la Llose ; sur la rive droite elle reçoit le ruisseau de la Grave dont elle emprunte la direction; tous trois dérivés, ainsi que la Tet elle-même, de tout petits lacs alimentés par les ruissellements des versants.
Quant aux eaux provenant des pentes orientales du Carlitte, elles convergent vers des bassins lacustres, étagés entre 2300 et 2150 mètres, et forment une véritable chaîne d’étangs où elles s’épurent et modèrent leur cours ; ils représentent le lit d’un ancien glacier dont l’érosion s’est manifestée sur tout le “désert” du Carlitte.
Ces lacs, auxquels le glacier en se retirant n’a laissé qu’une faible étendue, ont vu diminuer leur profondeur, et leur surface se rétrécir du fait de l’érosion des montagnes qui les entourent et du dépôt des matériaux entraînés par les pluies et la fusion des neiges. Leurs eaux se réunissent à l’étang de les Dougnes que traverse la ligne de partage séparant en ce point le bassin de la Tet de celui du Sègre. Cet étang offre cette particularité de posséder deux exutoires appartenant à des réseaux hydrographiques différents ; l’un des déversoirs, constitué par un large radier naturel formé d’éléments détritiques, jette les eaux vers la rivière d’Angoustrine, affluent du Sègre ; l’autre, creusé profondément dans le rocher sur une largeur qui n’excède pas une soixantaine de centimètres, les oriente vers les Bouillouses. Il est aisé de comprendre qu’avec une pareille disposition, rien n’est plus facile que de modifier le système de ces eaux divergentes et d’en détourner une partie, ou même la totalité, au profit de l’un ou de l’autre versant, mais tout particulièrement au détriment du bassin de la Tet. La même disposition existe dans le système lacustre de Pradeilles dont les eaux sont sollicitées par les deux versants. Pendant longtemps la ligne de partage entre les deux systèmes fluviaux de la Tet et du Sègre a été incertaine au niveau des Bouillouses. La situation actuelle est le résultat de la capture par la Tet de la haute Angoustrine. Celle qui se dessine aura un effet inverse, la capture des étangs de cette partie du Carline par cette dernière rivière.
Dans toute cette région, et il en était ainsi aux Bouillouses avant la construction du barrage-réservoir, les cuvettes glaciaires et même le fond des pentes sont recouverts d’une végétation de plantes aquatiques qui absorbent non seulement les eaux pluviales mais aussi l’humidité des rosées et des brouillards. Leurs débris spongieux, dont le pouvoir rétentionnaire est considérable, recouvrent le sol, accumulant des réserves d’eau parfois aussi importantes que celles des lacs. Cette couverture végétale, analogue aux tourbières, donne aux eaux une teinte foncée et une certaine opacité qui contraste avec la teinte vert émeraude et la parfaite transparence des eaux des lacs suisses ; mais ce qui en fait l’intérêt, c’est que, par la surface qu’elle occupe, elle est un facteur de régularisation dont l’action se fait sentir aussitôt après la fonte des neiges, et un des éléments retardateurs les plus importants de la période d’étiage de la Tet qu’à 1591 mètres. Dans cet itinéraire, elle n’a pas abandonné ses particularités de rivière de haute montagne. Son étape est coupée par deux paliers appartenant aux niveaux d’érosion caractéristiques de la Cerdagne, l’un, le Pla des Avellans, à 1760 mètres, où la pente n’est plus que 0,006 par mètre, l’autre, le Pla de la Borde, suivi du Pla de Barrès, où la déclivité étant pour ainsi dire nulle (0 m. 0012) la rivière décrit des méandres au milieu des sables et des résidus végétaux qui occupent le fond de la cuvette et continuent à jouer, dans l’écoulement des eaux, ce rôle modérateur dont nous venons de signaler l’importance:
A Mont-Louis, le pont de la route nationale n°118 marque la limite inférieure du bassin de haute montagne. Aussitôt, la vallée change complètement d’aspect. Aux forêts et aux clairières du Pla de Barrès, fait suite une vallée profondément encaissée que dominent des versants abrupts, pendant qu’à l’arrière-plan se profilent des pics élevés. La rivière, dont la descente s’effectue avec une pente accentuée, se heurte sous Mont-Louis aux contreforts du massif du Cambres d’Aze dont le socle granitique l’oblige à se couder presque à angle droit et à s’orienter vers l’E. N.E. Dans cette partie de son cours, son lit a été creusé aux dépens des arêtes latérales qui cloisonnent les vallées de ses affluents; avec une impétuosité qui est comme le signe de sa jeunesse, elle précipite ses eaux dans la vallée où elles plongent de roche en roche et continuent leur oeuvre d’érosion.
Après ce parcours tourmenté, le massif calcaire de Villefranche retenait ses eaux dans un lac profond dont les rives s’étendaient jadis dans la direction de Vernet-les-Bains. Cet obstacle disparu, les avancées du Canigou maintinrent la rivière vers le Nord et l’obligèrent, avant de gagner la plaine, à se frayer un passage à travers une succession de bassins dont elle n’a pu sortir qu’en taillant son lit dans les éperons granitiques qui barraient son cours, principalement à Marquixanes, à Saint-Pierre et à Rodès.
Cette section, qui forme sa vallée moyenne, est caractérisée par, une forte déclivité. Après le Pla de Barrès, qu’elle abandonne à l’altitude de 1648 mètres et où elle se trouve à une distance de 95 kilomètres de la mer, la Tet, au pont Gisclard, c’est-à-dire après un parcours de 5 kilomètres, n’est plus qu’à 1240 mètres. Dans ce tronçon, la pente moyenne est de 80 mètres par kilomètre, soit de 8 % ; sur certains points, elle atteint 20 %. Elle reste encore élevée (6%) jusqu’à Fontpédrouse; elle s’abaisse ensuite à 4,7 % jusqu’à Olette, à 2 % d’Olette à Ria, à 1 % de Ria à Rodès.
Les pentes transversales subissent des variations analogues. Des Bouillouses à Mont-Louis, la Tet coule dans une large vallée que des hauteurs insignifiantes séparent de l’Aude et que dominent, de 300 mètres seulement, sur sa droite, les crêtes des Esquits et de la forêt de Font-Romeu. Mais dès qu’après Fetges, elle est déviée vers l’est, et quoique son talweg soit encore à une altitude de plus de 1000 mètres, elle est bordée à droite et à gauche par de hautes montagnes qui compriment la vallée abrupte.
Aux approches d’Olette, l’horizon s’élargit ; si la rivière coule encore encaissée, ce ne sont plus des pics de 2500 et 2800 mètres qui l’encadrent, mais les plateaux de Canaveilles et de Llar sur la rive gauche, d’En et de Souanyas sur la rive droite, dont l’élévation au-dessus du fond de la vallée n’excède pas 300 mètres.
A partir de Prades, la vue se développe et la largeur de la vallée s’accroît. A l’aval de Rodès, au sortir de l’âpre gorge dont les eaux ont poli les rochers comme un marbre, c’est la plaine alluviale. Dans cette plaine, dont le défilé de la “Guillère” lui ouvre l’accès, et où elle trouve son niveau d’écoulement régulier vers la mer, la Tet étale sur de vastes étendues son lit errant. Son travail d’érosion semble achevé, et cette impression est affermie par l’aspect de la riche et plantureuse contrée d’Ille où elle vient de pénétrer.
Mais ce n’est qu’une apparence. La rivière ne cesse d’avoir tous les caractères d’un torrent; sa pente reste encore de 6 pour mille et il faut l’avoir vue par un jour de crue pour se rendre compte qu’on ne saurait se fier à son aspect de cours d’eau débonnaire.
A Millas, où autrefois elle s’infléchissait vers le sud-est, elle a abandonné, sous la poussée du Boulès qui la prend de flanc, le lit qu’elle s’était tracé dans cette direction et que la Basse a, par la suite, occupé ; et elle se dirige vers la banlieue Nord de Perpignan dont elle baigne les murs.
Séparée du bassin des autres rivières voisines,, l’Agly et le Réart, par de simples vallonnements, bordée sur sa rive droite par des falaises qui l’accompagnent depuis St-Féliu-d’Avall, elle divague, au hasard des obstacles et des bancs de graviers qu’elle rencontre, à travers les nombreux méandres de son lit. Maigre filet d’eau parmi les sables, parfois même simple ligne de flaques séparées par des seuils asséchés, elle se dirige vers la mer, s’orientant au dernier moment, comme le Tech et l’Agly, vers le N. N.-E. sous l’action des vents et des courants marins. Mais auparavant, elle a réalisé un puissant travail d’alluvionnement en comblant les lagunes littorales et en recouvrant de ses dépôts, concurremment avec l’Agly, la plaine de la Salanque. Des sources à la mer, son cours développé atteint 114 kilomètres.
Ce qui frappe dans cette dernière partie de son parcours, c’est, d’une part, sa pente qui, de Millas à Perpignan, a encore. une valeur moyenne de près de 4 mètres, par kilomètre et de 1 m. 50 de Perpignan au pont de Canet, et aussi la largeur anormale de son lit majeur qui, sur certains points, entre Ille et Millas, atteint près d’un kilomètre. Pendant les crues que les berges, souvent absentes, ne parviennent pas à endiguer, tout ce que les courants atteignent devient lit de rivière, et n’est plus qu’une plage tourmentée de cailloux roulés, de graviers et de sables.
En définitive, on peut partager la vallée en trois sections aux différences bien marquées et auxquelles correspondent d’ailleurs les trois divisions du pays : Cerdagne, Gonflent, Roussillon.
La partie supérieure du bassin, des sources à Mont-Louis, est caractérisée par un système de dépressions lacustres au bas de pentes largement découvertes. C’est le réservoir qui assure l’alimentation de la rivière à une époque où, sans ce système régulateur, elle connaîtrait le régime d’étiage.
Dans la vallée intermédiaire, apparaissent des versants abrupts et dénudés au fond desquels la rivière coule dans un étroit sillon ; les déclivités sont portées à leur maximum non seulement dans le sens longitudinal, mais aussi dans les profils transversaux. Cette région, la plus étendue du bassin, et où débouchent les principaux affluents, constitue en quelque sorte la zone d’où dépend l’état d’équilibre du régime de la rivière.
A la sortie des gorges de Rodès, dans son cours inférieur, la rivière entre dans la plaine du Roussillon. Toutefois, cette plaine est un plan incliné dont la pente n’apparaît peut-être pas à la vue, mais qui se traduit cependant par une différence de niveau de 157 mètres sur un parcours de 44 kilomètres. La déclivité du terrain, ainsi que la nature alluviale de la vallée donnent aux inondations de la Tet leur redoutable caractère et font de toute la partie basse une proie facile pour les eaux.
Les affluents de la Tet
Les affluents de la Tet, principalement ceux de la rive droite, sont soumis à des influences analogues. Ces derniers coulent dans une direction presque perpendiculaire à l’axe de la Tet. La faible longueur de leurs vallées qui remontent vers la haute ligne de faîte du sud, leur impose une. pente encore plus. accentuée que celle du cours d’eau principal. Ils prennent leur source sur la chaîne de hauteurs qui, partant du pic d’Eyne, va rejoindre le Canigou et se prolonge ensuite vers Batère. Cette ligue n’est pas parallèle à celle de la Tet ; la rivière s’en écarte. Il en résulte que la longueur des affluents de rive droite augmente à mesure qu’on va vers l’aval. Etant donné le système orographique du pays, le fait n’a rien que de normal, il a cependant des conséquences importantes. En effet, en raison des caractéristiques que nous avons reconnues au bassin versant de la rive droite, une pluie uniforme affectant ce bassin doit déterminer sur chacun des affluents un flot susceptible d’arriver presqu’en même temps, malgré l’échelonnement des confluents, à l’entrée de la plaine. Circonstance aggravante du fait que la Lentilla et le Boulès, les deux affluents qui, à l’aval, fournissent, et de beaucoup, les plus gros apports en temps de crue, coulent chacun dans une vallée à moindre pente, il s’ensuit que leurs flots de crue s’attardent; de même qu’une troupe ralentit sa marche pour prendre son rang dans un défilé, ils attendent en quelque sorte le passage du flot principal pour se joindre à lui. Les débits maxima, au lieu de s’écouler l’un après l’autre, se surajoutent et forment, à chaque confluent, une seule et même vague. Pour qu’il n’en fût pas ainsi, il faudrait que les paroxysmes de pluie n’eussent pas lieu tous au même moment ; or, au contraire, étant donnée la surface réduite du bassin sur laquelle s’exercent les pluies, c’est l’éventualité inverse qui se réalise généralement.
Ces affluents sont répartis de la façon suivante:
D’abord le ruisseau du Jardo, la rivière. de St-Pierre et de Planès, qui naissent sur les pentes du Cambres d’Aze et rejoignent rapidement la Tet.
Avec la rivière de Prats-Balaguer ou de St-Thomas, on a déjà un affluent dont le bassin, d’une superficie de 24 km² et entouré à l’Ouest, au Sud et à l’Est, par de hautes montagnes, reçoit une alimentation importante même pendant la première partie de l’été. La pente du torrent est considérable; en 8 kilomètres, il descend de 1500 mètres.
La rivière de Carança réunit les eaux de trois ruisseaux qui proviennent des sommets les plus élevés de la chaîne et coulent au milieu de dépôts glaciaires dans des dépressions dont la plus importante est l’étang de Carança, à 2246 mètres d’altitude. Celui-ci ressemble aux étangs du Carlitte et, comme eux, il emplit de ses eaux pures ses vasques granitiques. Le torrent, après les gorges que ses eaux ont creusées dans le roc qu’elles ont taillé en murailles surplombantes, conflue avec la Tet près du village de Thuès. Malgré la surface réduite de son bassin et l’incertitude des éléments de son régime, il peut être considéré comme un affluent important de la Tet en période d’étiage à cause du rôle régulateur des cuvettes glaciaires de la partie supérieure du bassin et de la configuration de la vallée qui, ne permettant pas de dériver les eaux pour les irrigations, en assure l’intégralité à la rivière.
La rivière de Mantet, formée par la jonction des eaux ruisselant des crêtes de Roque Couloum et des pentes de la Porteille de Mantet, vient à Nyer apporter à la Tet un volume d’eau déjà appauvri par les épandages sur les prairies riveraines, mais encore appréciable.
Près de Serdinya, débouche le ruisseau de Baillemarsanne, peu important dans son apport liquide; mais dont le bassin de 15 km², composé en grande partie de terrains très friables, fournit des dépôts abondants en temps de crue.
La Tet reçoit ensuite le tribut des torrents descendant directement des versants ouest et nord du Canigou, la Routja, le Cady et la rivière de Taurinya. Ces rivières, en provenance de terrains granitiques et gneissiques dont les uns sont résistants mais dont d’autres, formés de roches plus ou moins décomposées, se désagrègent facilement, coulent dans leur partie supérieure en cascades successives. Leur travail d’érosion a décapé la montagne en lui enlevant les terres dont elle était recouverte et en mettant la roche à vif. Pour atteindre la Tet, elles ont creusé leur lit dans, des formations où CALAS et MENGEL voient la moraine frontale des glaciers du Canigou, tandis que DEPÉRET les considère “comme les cônes de déjection des torrents issus des montagnes qui délimitaient, dès cette époque, la grande dépression marécageuse du Roussillon”.
Cependant, l’action du ruissellement et de l’érosion est plus importante encore sur les terrains schisteux qui composent la majeure partie du bassin de la Lentilla et du Boulès. Issus, le premier du versant oriental du Canigou, le second des pentes Nord de Batère, la surface de leurs bassins, 84 km² pour la Lentilla et 100 km² pour le Boulès, en fait des affluents dont le rôle est parfois prépondérant dans la formation et l’évolution des crues.
A partir de Millas, la proximité du Réart et de l’Agly a pour effet de rétrécir la vallée dont la largeur n’est plus que de 12 kilomètres à Millas et de 9 kilomètres à Perpignan. Le réseau hydrographique s’appauvrit brusquement ; la Tet ne reçoit plus que de simples torrents gonflés au moment des pluies, mais à sec le lendemain, à l’exception de la Basse dont l’importance n’est pas due uniquement au fait qu’elle traverse l’agglomération urbaine de Perpignan, mais aussi à ses crues violentes.
Sur la rive gauche, on ne compte que trois affluents d’une certaine portée : la rivière de Cabrils, grossie de celle d’Evol, le Caillau et la Castellane. Ils offrent un trait commun assez particulier : ils prennent tous les trois leur source dans le vaste hémicycle du massif de Madres ; après s’être éloignés les uns des autres, ils s’inclinent vers la Tet et la rejoignent entre Olette et Prades, c’est-à-dire dans la partie moyenne de son cours, suivant des vallées qui forment avec cette dernière un angle d’environ 65°. C’est ainsi que la rivière de Cabrils décrit une vaste demi circonférence et draine les eaux des pentes méridionales du massif de Madres et de la région de Caudiès de Mont-Louis, tandis que la rivière de Caillau recueille celles du versant est de Madres, et la Castellane celles du versant nord.
En aval, la Tet a perdu, aux temps géologiques, un tributaire permanent, la Desix qui abandonna son cours primitif vers la Tet, pour devenir un affluent de l’Agly. Elle reçoit de nombreux affluents, tels que les ruisseaux de Tarérach, de Bellagre et de la Riberette. L’aridité de la région qu’ils traversent en fait des torrents dans le sens le plus excessif du mot. Leur débit, en temps de crue n’est pas négligeable, mais, à l’ordinaire, ils sont complètement à sec, et même si, à leur partie supérieure, ils laissent ruisseler un mince filet d’eau précieusement utilisé pour l’irrigation d’infimes parcelles de jardins, ils sont taris bien avant leur confluent avec la Tet ; on ne peut par conséquent, les considérer comme apportant la moindre contribution à la rivière.
Une place à part doit être faite dans cette énumération aux source d’Engorner qui jaillissent en terrain calcaire sur les,bords de la rivière à Ria, à 700 mètres environ du viaduc de Villefranche. Ces sources n’ont pas l’importance de celles de Salses (Font-Extramer et Font-Dame) ; elles donnent cependant un débit moyen d’environ 270 lit/sec. Ce débit est à peu près constant, avec toutefois un maximum en septembre et un minimum en mars. La municipalité de Prades, qui utilise une partie de ces eaux, s’est préoccupée de déterminer leur origine. Le fait qu’en période de forte crue les eaux de ces sources deviennent troubles, avait fait tout d’abord penser qu’il s’agissait d’infiltrations venant de la Tet. Mais des recherches par immersion massive et prolongée de fluorescéine dans la ,région de Serdinya avant le parcours de la rivière sur les terrains calcaires, ne donnèrent, aucun résultat ; de. même, les épreuves de coloration faites sur le Cady, à Vernet. Quant aux recherches entreprises sur la rivière de Fillols, en amont du village, elles n’eurent d’autre effet que de colorer, deux heures plus tard, en vert intense, les eaux des fontaines de Fillols . La guerre empêcha de poursuivre les recherches sur les montagnes calcaires de la rive gauche de la Tet et particulièrement dans la région du mont Corônat. On reste donc dans l’ignorance de l’origine exacte de ces sources.
Malgré cet insuccès, il n’est cependant pas douteux que les sources d’Engorner ne soient un jaillissement de même nature que celui de Salses, c’est-à-dire d’origine vauclusienne. Elles proviennent, soit d’infiltrations des eaux de pluie à travers les plateaux calcaires de Villefranche, soit de pertes d’un cours d’eau supérieur ; dans un cas comme dans l’autre, leur lieu, de pénétration peut se trouver loin du point d’émergence. Quelle que soit leur provenance, la régularité de leur émission conduit à penser que leur communication avec les cavités du sol doit se faire par une galerie ou un système de galeries étroites dont les étranglements limitent et régularisent le débit du réservoir souterrain qui les alimente, ou du réseau d’eaux profondes qui en tient lieu.
A l’encontre des sources de Salses, dont les eaux contiennent du chlorure de sodium dans une proportion si élevée qu’elles sont impropres aux irrigations, les eaux d’Engorner ne renferment pas de sels nuisibles à la végétation.
Les affluents de la rive droite drainant 548 Km² et ceux de la rive gauche 304 km², leur importance dans l’alimentation de la rivière ne saurait être équivalente. Mais la différence de leurs apports respectifs s’accuse davantage du fait que les vallées des affluents de la rive gauche présentent, dans l’ensemble, une exposition face au midi, tandis qu’au contraire celles des affluents de droite s’ouvrent vers le nord. Il s’ensuit que les premiers sont sujets à un régime de pénurie plus prononcé et que les seconds, soustraits à l’influence d’une évaporation active et mieux alimentés, apportent à la Tet un tribut plus abondant.
Bibliographie : Emile Delonca, La Tet et ses Affluents
Photos : Jacques Brest