Les Fontaines
Ille et ses claires fontaines ! Figure réelle et poétique, toute-fois combien imprécise en ce qui concerne non pas ses claires fontaines mais toutes ses fontaines, car pourrait-on me dire combien y en a-t-il dans le secteur compris entre la Font del Fric et celle d’en Nilles ? J’ai interrogé quelques vieux Illois ; certains m’ont dit qu’il y en avait douze ou quinze, peut-être dix à huit ! J’ai donc voulu, par cet article, traiter et faire connaître toutes ces fontaines et vous livrer le résultat de cette étude.
Mais auparavant, il faut d’abord voir où elles se trouvent. Par un phénomène géologique bien particulier à notre région, elles sont toutes situées sur les bas-côtés entre la plaine proprement dite du Roussillon et le ” Riberal ” ou basse plaine et qui, par liaison, forment des talus plus ou moins accidentés. Pour bien comprendre la résurgence de toute cette eau, il faut savoir que la coupe du terrain est composée de terre légère, sablonneuse et caillouteuse en surface et argileuse au sous-sol. De ce fait, la nappe souterraine de l’eau ne pouvant pénétrer plus profondément, ressort par ces nombreuses fontaines plus ou moins importantes. Toutes ces eaux ont ce caractère commun au point de vue chimique : très pures, très peu de matières minérales en dissolution, en particulier pas de calcaire ni aucun germe patho-gène ou autre.
Mais une question vient à l’esprit de chacun de nous : d’où peut provenir toute cette masse d’eau qui jaillit dans notre contrée ? Il y a des millénaires, le torrent du Bolès se déversait dans la rivière de la Tet en face de Bouleternère. Le lit de la rivière s’abaissant et d’autre part les dépôts du Bolès relevant le niveau de ce torrent, celui-ci, contournant les ” Escatllars “, se jeta dans la Tet vers le Couvent. Ensuite, pour les mêmes causes, il fit peu à peu son lit que nous lui connaissons. Toutefois, les anciens lits souterrains existent et l’eau de ce torrent se fondant pour ainsi dire dans son sous-sol, vient tout naturellement ressortir aux fontaines dont nous allons faire connaissance. L’eau de pluie et les irrigations viennent également contribuer en petite partie à cet apport liquide.
Si vous le voulez bien, nous allons faire la tournée de ce territoire et vous serez étonné du nombre et de la diversité de toutes ces fontaines. Procédons par ordre et commençons par la première qui se trouve à la jonction des communes de Rodès, de Bouleternère et d’Ille-sur-Tet : c’est la font del FRIC ; puis, descendant en direction de l’Est nous les verrons toutes, les unes après les autres, et nous terminerons par celle d’en NILLES à deux kilomètres en aval d’Ille en direction de Néfiach.
- Font del FRIC : Sur la R.N. 116, avant le passage à niveau de Bouleternère, prendre un chemin en direction du nord qui, bifurquant à gauche, aboutit près de la “resclosa” du canal d’Ille. Tout à côté de la rivière, près d’une maisonnette, coule cette fontaine qui a été aménagée en 1891. Décor de chênes, de châtaigniers, d’acacias et, parmi le lierre et les sureaux, sous ces frais ombrages, elle donne une impression de calme avec le murmure de l’eau qui coule abondamment et celui de la rivière toute proche.
A remarquer sa désignation de “font del FRIC” et non f”ont d’en FRIC” comme il serait normal de la nommer. Cette fontaine étant située à la limite du Roussillon et du Conflent ne subirait-elle pas l’influence de certaines formes de langage de cette région ? En effet, si les Roussillonnais parlent de la casa d’en Josep, d’en Manel, ceux du Conflent disent : la casa del Josep, del Manel.
- Font dels GENDARMES : Même décor que la précédente en face du mas Millasseau. L’eau descend d’abord d’une pente douce parmi le lierre et la mousse et se concentre ensuite dans un ” canalot “. De là, face au lieu-dit Vallagra, l’on voit couler la rivière et les deux canaux d’Ille et de Thuir.
- Font St JULES ou de I’ADROHER : Une passerelle enjambant le canal d’Ille nous mène en ce lieu. Plusieurs terrasses retenues par des murs, avec des escaliers bien aménagés, des tables et des sièges en maçonnerie et l’ombre de nombreux micocouliers font de cet endroit un lieu idéal pour, les repas champêtres. Sur une des terrasses supérieures coule la première fontaine et la deuxième est située à l’étage inférieur. Cet endroit est très connu et les dimanches d’été une activité joyeuse anime ces lieux.
Cette fontaine (ainsi que les deux précédentes) est la propriété du canal d’Ille qui a fait tous ces aménagements et le Bureau de ce syndicat mérite tous nos éloges. Je signale qu’à mon passage, ce lieu était d’une parfaite propreté et je souhaite, comme d’ailleurs les dirigeants de ce canal, qu’il en soit toujours ainsi.
- Font del BAIXADOR de BULA : Des broussailles très denses et de nombreux arbustes m’ont empêché de la situer.
- Font d’en PO PELRAS : Après le mas Corral en direction nord-ouest, longeant le ruisseau de Thuir, un petit chemin nous mêne vers les “bosquettes” de la rivière et, à mi descente, près de la propriété de M. Etienne Graule, trois “canalots” bien aménagés donnent une note très pittoresque à ce paysage bien particulier.
- Font d’en VENTURETA BO : A côté de la propriété de Mme Veuve Simon et près de la Tet, dans un bosquet de “salits” coulent deux petites sources.
- Font d’en ZEP ZALOLI ou d’en BOBO : Un peu plus bas que cette dernière, une fontaine avait été aménagée mais, par suite de travaux à la rivière et du non entretien, elle n’est plus utilisable.
Nous voici sur le chemin del “salt dels Cavalls”. En revenant vers Ille, et presque dans chaque propriété, nous allons faire la découverte de fontaines célèbres, pittoresques et combien séduisantes. J’ai cru bon de signaler aussi celles qui ne coulent plus, car, si nous voulons établir un inventaire aussi juste que possible, il faut faire le décompte non seulement de ce qu’il y a, mais également de ce qu’il y avait.
- Font d’en REBARDY : Sur le bord d’un petit chemin et dans un mur de pierres roulées, un “canalot” d’eau claire, surtout par les grandes chaleurs, est très apprécié des travailleurs du voisinage.
- Font de la ZETA BOYERA : Une petite source sur une “feixa” étroite au pied du surplomb du chemin.
- Font de la GRAULA : Deux petites sources à côté de cette dernière et sur le même profil.
- Font de la TURA : Près des propriétés de la famille Vaquer, tarie depuis 1940.
- Font d’en BO : Une source dans le petit parc de la villa de feu Henri Bo et qui est actuellement quelque peu à l’abandon.
- Les NOU FONTS (les neuf fontaines) : Auparavant, ce site comportait un long mur en pierres roulées et dans lequel l’eau sortait par des tuiles renversées. Des saules pleureurs, de l’herbe, de la mousse en faisait un endroit reposant et frais. Par la suite, il a été aménagé en établissement de salmonidés par de grands bassins où chacun comportaient des truites de même taille, ceci de l’alevin au poisson adulte. Les neuf sorties d’eau ont été respectées et, grâce aux aménagements très judicieux qui y ont été apportés, cet établissement était un centre très important pour l’élevage des truites.
- Font d’en GALIA : Tout à côté, se trouve une fontaine parmi des ronces, des arbustes et de l’herbe. Lorsqu’elle sera remise en état, elle sera un agrément supplémentaire pour les terres environnantes.
- Fonts d’en BOYER : Une à gauche en descendant à la ferme de M. Casanutjana, une autre à deux “canalots” dans la cour de cette ferme. Bien aménagée par le propriétaire avec vasques et fleurs. Tout le long de cette propriété et en bordure du chemin, l’eau sort de partout se déversant dans une rigole.
- Font de SANT-JAUME : Sortant d’un mur, face “el cami de les bruixes”, une fontaine se déverse dans une vasque puis, se faufile dans un ruisseau sous les voùtes d’arceaux d’une légèreté et d’une beauté bien particulières. Dans le temps, une statue de St Jacques se trouvait sur un piédestal entouré par cette eau et qui a donné le nom à cette fontaine. Une plantation de bambous très denses, donne une note orientale à cet ensemble.
- Fonts d’en VIADER : Tout à côté de la fontaine St-Jacques, se trouve une ferme qui, à l’origine, faisait partie du même domaine. Il y a fort longtemps, il existait un moulin à farine sur l’emplacement de cette ferme et M. Jean Aris, fils du propriétaire actuel, m’en a fait voir les voùtes ce qui vient confirmer ses dires. En somme, je cherche des fontaines et je trouve un moulin ! Remarquez qu’il n’y a là rien d’étonnant, l’un étant tributaire de l’autre. Voyons maintenant ces fontaines l’une se trouve à droite à côté de la descente dans la propriété avec deux “canalots”, l’autre un peu plus bas presque à côté de la font de la GRESALA et deux autres encore dans un jardinet situé sous le chemin rural.
- Font de la GRESALA : Toujours sur le même chemin, deux “canalots” entourent une sortie d’eau plus importante.
- Font de la SARDA ou d’en PAU TAPIS : Au début du chemin “del Salt dels Cavalls” près de la route de Montalba, une fontaine non aménagée. Son nom viendrait du fait que les ménagères des environs venaient y nettoyer des sardines salées.
Nous voici maintenant sur le côté nord de la ville qui voit sourdre trois fontaines au pied de ses remparts.
- Font de la VILA ou dels QUATRE CANALOTS : Au pied de l’église St Etienne, descendre onze marches. En face, deux “canalots” très bas et, à gauche sous une voûte, deux autres à hauteur d’homme. L’origine d’Ille se situerait aux abords de cette fontaine.
- Font dels CAVALLS : Deux “canalots” séparés par un banc rustique en pierres roulées de plain-pied sur le boulevard Jean Bourrat qui, avant la motorisation, servait d’abreuvoir aux bestiaux, d’où son nom.
- Font d’en RIBALTA : La plus célèbre, avec ses trois “canalots” entourés de deux colonnettes en marbre, est située non loin de la précédente fontaine et pour y accéder, il faut descendre quatorze marches. Son eau est pure, légère, coulant avec la même intensité et, paraît-il, dans le temps était considérée par les belles comme une eau de Jouvence.
Il faut signaler qu’aux trois fontaines de la Gresala, de la Vila et d’en Ribalta des lavoirs publics ont été aménagés.
Reprenons maintenant les sentiers où il fait bon se promener et, par celui qui longe le canal de Perpignan, nous allons faire la connaissance de toutes celles qui complèteront cette longue liste.
- Font d’en VALLE : A la descente du “Porcarill” et à droite du Boulevard Jean Bourrat, M. Vallé avait construit des douches avec l’eau surgissant en ce lieu. En effet, il y a là trois sources et, d’un franc-bord quasi sans attraits, le propriétaire y a fait et fait encore des aménagements très judicieux.
- Font d’en BONAFOS : Tout à côté de cette fontaine et sur le franc bord presque à pic longeant le canal de Perpignan, parmi des arbustes de toute essence, se déverse une sortie d’eau très abondante.
- La MOLINA : Vient du mot moulin, car il y eut successivement une fabrique de chapeaux, puis de pipes de bruyère et ensuite un moulin à farine. Dans le sous-sol de la bâtisse se trouve un puits alimenté par les sources proches et, au fond d’un jardin en étage, coule une petite fontaine.
- Font d’en BESSIERES : Une fontaine non aménagée se trouve sur le franc-bord de cette propriété qui surplombe le canal de Perpignan.
- Font del REC de PERPINYA : A côté de cette dernière et près du déversoir de l’ancien abattoir, il y avait dans le temps une petite passerelle enjambant le canal de Perpignan, ce qui permettait de se rendre à cette fontaine. La passerelle a disparu et la fontaine est bien abandonnée.
- Font d’en FERRAND : Sur le chemin du Tuire, après le pont du canal de Perpignan et en contrebas du mur de soutènement de ce chemin sourd une petite source peu connue mais qui méritait d’être signalée.
- Font d’en TRAINIER : Sur la route de Perpignan, prendre un petit chemin à gauche avant d’arriver aux Tanneries; à trente mètres de là sourd une fontaine abondante mais qui aurait besoin d’un bon aménagement.
Je conserve le nom de Trainier qui en était le propriétaire et les illois savent de qui je veux parler : M. Trainier était médecin et était le grand-père de Mme Simone Gay et l’arrière grand-père du Dr Jean-Pierre Pons.
- Font d’en NILLES : Sur le bord d’une vigne du mas Suzanne et sous le canal de Perpignan, une source abondante, et bien aménagée par des travaux en maçonnerie, sort de terre et, au cours de son parcours, son débit va en augmentant.
Cette dernière clôt la liste de ces nombreuses fontaines naturelles et, pour être aussi précis que possible, j’y ai compris toutes celles qui sont perdues ou non aménagées, qu’elles soient publiques ou privées.
Et maintenant, amis lecteurs, faites le compte et vous constaterez combien nous sommes privilégiés.
Il y a, bien sûr, d’autres fontaines disséminées dans le territoire de notre commune : A la Roqueta, à St-Maurice, à la Maladent, à Casenoves par exemple, mais j’ai voulu surtout faire ressortir celles qui se trouvent sur le même profil car il valait la peine de les signaler tout particulièrement.
Je souhaite que cette étude fasse mieux connaître l’un des attraits de notre petite ville et je souhaite surtout que les utilisateurs respectent ces lieux si reposants, si frais, si calmes que sont « les Fonts d’Illa ».
Bibliographie : Emile & Léon Delonca, Un village en Roussillon
Photos : Jacques Brest